Offre de thèse – “Analyse comparative des systèmes alimentaires en transition en France et au Costa Rica”
Les systèmes alimentaires, définis par Malassis (1994) comme étant « la manière dont les hommes s’organisent, dans l’espace et dans le temps, pour obtenir et consommer leur nourriture », font l’objet de mutations territoriales et temporelles, impliquant les modes de production, transformation, distribution et consommation. A l’échelle mondiale, on observe ainsi depuis la seconde guerre mondiale un double processus conduisant à une séparation des lieux de consommation majoritairement urbains des lieux de production essentiellement ruraux (Rieutort, 2009; Poulot, 2014). D’une part, on assiste au développement des espaces urbains (Roncayolo, 1990), du fait des dynamiques conjointes d’exode rural et de croissance démographique. D’autre part, on note une intensification et spécialisation des espaces de production agricole, conduisant à une utilisation massive d’intrants chimiques et à des échanges commerciaux mondialisés. Ces phénomènes ont de nombreux impacts environnementaux (Kissinger et al. 2012; Chowdhury et al.,2017 ; Pelosi et al., 2021), socio-économiques (Brand 2015) et de santé (Lairon, 2020). Ils présentent également des risques importants de ruptures de production et d’approvisionnement alimentaire en situations dégradées (mouvements sociaux, pandémie, phénomène naturel extrême, rupture de production des énergies fossiles…).
Face à ces risques et enjeux engendrés par ce système alimentaire mondialisé dominant, le développement de systèmes alimentaires alternatifs représente ces dernières années une promesse de transition vers plus de durabilité et de résilience (Morgan, 2015; Sonnino & Marsden, 2006). Ainsi de nombreux dispositifs politiques et outils réglementaires émergent pour reterritorialiser les filières agri-alimentaires (Théry, 2008). Au niveau international, l’ONU dans ses Objectifs de Développement Durable (ODD) de 2015, s’empare du volet agri-alimentaire par deux objectifs: « assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable » (objectif 2), et « établir des modes de production et de consommation durables » (objectif 12). La même année, le pacte de Milan engage plus de cent villes à travers le monde à mettre en place des actions en termes de gouvernance alimentaire, d’équité socio-économique, ou encore de soutien à la production
alimentaire locale et durable. Au niveau européen, la traduction de la stratégie « De la ferme à la table » pour le volet alimentation devrait être présentée à la fin de l’année par la commission européenne sous forme d’une loi-cadre (Sustainable Food Systems Law). En France, outre la loi d’avenir pour l’agriculture l’alimentation et la forêt de 2014, on observe une accélération législative (lois Egalim 1 et 2, loi AGEC, loi Climat et Résilience) en la matière depuis la tenue des états généraux de l’alimentation en 2018. Concrètement, il s’agit de développer la production agricole territoriale et d’en favoriser la consommation localement, dans un objectif de maîtrise de l’impact environnemental des sociétés humaines et de développement de la résilience territoriale. On voit donc plusieurs modèles agricoles et alimentaires coexister et se confronter ou se concurrencer dans des luttes visant un accès privilégié aux marchés et aux ressources. L’analyse des coexistences conflictuelles entre ces systèmes allant de l’agrobusiness à l’agroécologie font l’objet de recherches récentes (Bosc et al., 2015 ; Purseigle et al., 2017). Ces phénomènes qui s’observent aussi bien en France (Petit et al., 2018) qu’en Amérique du Sud, au Brésil (Sencébé et al., 2020) ou en Argentine (Albaladejo, 2020), peuvent être interrogés en matière d’innovation (territoriale, sociale ou technologique), d’adaptation et de transitions (Gasselin et al., 2020). Plusieurs cadres théoriques appréhendent ces processus (Rotmans et al. 2001 ; Geels, 2002 ; Loorbach, 2010 ; Smith et al., 2010). Dans l’analyse multi-niveaux (MLP), les transitions y sont considérées comme résultantes des interactions entre plusieurs niveaux : l’environnement dans lequel s’inscrit la société, un régime dominant et des systèmes alternatifs qui tendent à intégrer le régime dominant et le faire évoluer (Geels, 2002 ; Geels et Schot, 2007). Les transitions sont donc plus ou moins efficientes selon l’environnement (politique, culturel, conjoncturel, …) dans lequel elles se produisent. Ceci montre bien l’intérêt d’une analyse comparative entre des territoires aux environnements très différents : La région Sud Provence Alpes Côte d’Azur en France et le Costa Rica dans notre cas.
Si l’approche comparative proposée ici présente une originalité forte par rapport aux études antérieures, notre singularité reposera également sur une étude systémique, quantitative et spatialisée. Bien conscient de l’impossibilité de traiter le sujet de façon exhaustive en trois ans, on propose d’aborder l’analyse des systèmes alimentaires suivant une ou plusieurs des cinq dimensions suivantes:
– la dimension physique : l’organisation spatiale des « paysages alimentaires » (Morgan et Sonnino, 2010 ; Vonthron, 2021), des commerces et lieux d’achats alimentaires dans lesquels les individus évoluent, ou encore l’organisation et la typologie des lieux de production des espaces urbains et péri-urbains (Daniel et al., 2013 ; De Biasi et al., 2018),
– la dimension socio-culturelle : composé des représentations sociales, et influence des groupes sociaux d’appartenance,
– la dimension économique : la construction des prix et des ressources financières (marges, promotions, …),
– la dimension cognitive: ce qui vise à doter le « citoyen-consommateur » d’informations, connaissances ou compétences pour faire les « bons » choix (actions éducatives, Nutriscore en France, …).
– La dimension normative et juridique : ce qui vise à encourager ou non les initiatives de production, transformation et distribution alternatives.
Ces différentes entrées permettront d’interroger les champs d’intervention de la puissance publique ainsi que les déterminants des pratiques alimentaires des individus sur les processus de transition des systèmes alimentaires.
Outre les points déjà évoqués, l’originalité de l’approche résidera dans la définition plus précise du sujet de recherche selon le profil du/de la candidat.e, sa connaissance des terrains et ses choix méthodologiques dans le champs de la géographie quantitative. A titre d’exemple, l’étude des paysages alimentaires et notamment des dispositifs mis en œuvre pour lutter contre la précarité alimentaire dans les villes de Marseille, San José, Mouans-Sartoux et Santa Ana pourrait constituer un sujet. La caractérisation (organisation et typologie) des productions alimentaires locales et durables dans ou à proximité de ces quatre mêmes villes pourrait en être un second.
PROFIL RECHERCHE ET COMPETENCES ATTENDUES :
Étudiant.e en Master 2 de Géographie ou autres disciplines disposant de :
– Compétences avérées en analyse et traitement des données spatialisées,
– Très bon niveau en Français, Espagnol et Anglais,
– Capacité d’organisation, rigueur et esprit critique dans l’organisation et l’analyse des données,
– Personne autonome, dynamique et force de proposition,
– Compétences rédactionnelles.
ENCADRANTS:
Le thèse débutera en octobre 2023 et sera co-encadrée par Stéphane Bouissou, Professeur en Géographie à l’Université Côte d’Azur (UMR Espace) et Tania Rodriguez, Professeure en Géographie et Sciences Politiques à l’Université du Costa Rica.
CANDIDATURE :
CV et lettre de motivation sont à adresser au plus tard le 25 Juin 2023 à Tania.rodriguez.echa@gmail.com et Stephane.BOUISSOU@univ-cotedazur.fr
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
delphineburguet (19 juin 2023). Offre de thèse – “Analyse comparative des systèmes alimentaires en transition en France et au Costa Rica” Amades. Consulté le 20 avril 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/b0bi