Offre d’emploi – Post-doctorat – Tourisme, santé et résilience des territoires

Tourisme, SAnté et Résilience des Territoires (TSART)

Contexte et argumentaire
Le tourisme est un secteur économique important (avant la crise du Covid, l’organisation mondiale du tourisme estimait que ce secteur représentait 10 % du PIB mondial) avec des impacts locaux et régionaux parfois très importants en termes de développement économique. De nombreuses destinations touristiques constituent des territoires sur lesquels la part du tourisme dans l’activité économique est considérable, parfois majoritaire. Parmi ces territoires, on trouve les espaces insulaires et ultramarins qui constituent le support de ce projet de contrat post doctoral, et en particulier les Antilles françaises et néerlandaises. Ces destinations sont particulièrement vulnérables face aux crises qui peuvent enrayer le fonctionnement de l’économie touristique, privant de ce fait les territoires d’une large part de leurs
ressources. Cette vulnérabilité est aggravée dans le cas des espaces insulaires par l’absence d’un arrière-pays qui fonctionnerait comme un support (et espace de diversification des activités) et, parfois, par un certain isolement qui complique certains approvisionnements et, par exemple, limite les possibilités de développer un tourisme local. A la Martinique, en Guadeloupe et à Saint Martin (île franco-néerlandaise), trois crises se sont superposées ces dernières années : sanitaire (COVID), climatique (Ouragans) et environnementale (pollution au chlordécone, invasion de sargasses en mer). Et des crises sociales se sont produites en réaction.
La littérature grise en tourisme a assez largement étudié l’exposition au risque du secteur touristique en termes d’appréhension des crises et catastrophes (Ritchie & Jiang, 2019), généralement selon trois stades : planification, gestion et résilience (Faulkner, 2013). Mais la plupart des études portent sur le secteur du tourisme intrinsèquement (son fonctionnement, sa capacité à faire face et à se reconstruire le cas échéant). L’approche par les territoires constitue une innovation en ce sens qu’il ne s’agit plus uniquement d’évaluer l’exposition au risque et la résilience d’un secteur, mais de replacer ce secteur d’activité dans son contexte et dans une situation plus complexe pour repérer les facteurs de résilience pour l’ensemble du territoire touristique. Il s’agit donc d’analyser un ensemble en considérant que la place du tourisme en elle-même peut constituer un facteur de risque ou de résilience selon la manière dont il s’intègre dans un système territorial complexe et dont il s’articule avec d’autres secteurs (Voir Vittori, 2002 par exemple). Face à ce sujet particulièrement vaste, un prisme est retenu : celui de la santé. En effet, la santé des populations dans les destinations touristiques constitue un excellent indicateur de développement économique et social, en même temps qu’un témoin des inégalités. La santé est multidimensionnelle et son étude à l’échelle de territoires touristiques intègre des dimensions environnementales, économiques, sociales et politiques (au sens de la gouvernance des systèmes de santé) et les risques y afférent. Elle est un relatif impensé du développement touristique (le tourisme médical ou le tourisme de santé ne sont qu’une infime partie du sujet) mais représente un axe d’étude particulièrement riche (Fleuret 2022).

Cadre théorique et conceptuel
Le cadre analytique retenu est celui des 12 déterminants de la santé selon un modèle adapté de celui proposé par l’agence de santé publique du Canada (http://promosante.org/promotion-de-la-sante-en-bref/determinants-de-la-sante/) et le mouvement acadien en santé du New Brunswick en 2007 (https://www.macsnb.ca/document/Determinants%20de%20la%20sante%20O.pdf). Ce modèle stipule que la santé dépend à la fois de facteurs individuels, de caractéristiques de milieux de vie, de l’organisation sociale, politique et territoriale en systèmes et de facteurs contextuels généraux.
Les destinations touristiques seront donc étudiées au prisme de la santé comme système territorial complexe articulé selon deux axes : le premier selon l’échelle considérée (des caractéristiques individuelles au contexte global) et le second catégoriel (il s’agira de mener une analyse par catégories de déterminants habitat, emploi, alimentation, travail et revenus, services, systèmes politiques, systèmes de santé, …).

Méthodes, outils
La méthode envisagée, outre une revue de littérature et un diagnostic territorial « classique », adapté aux enjeux de santé, reposera sur l’étude de deux populations : les touristes et la société locale et dans cette dernière on distinguera les travailleurs (salariés et indépendants) et les acteurs-planificateurs-gérants du tourisme.
Les outils consistent en une triple enquête auprès de chaque catégorie de population mentionnée ci- dessus.
– L’enquête auprès des touristes (N=200) cherchera à caractériser le degré de connaissance qu’ont les touristes de enjeux de santé des territoires qu’ils visitent. L’enquête permettra également d’évaluer leurs dispositions au changements (que seraient-ils prêts à modifier dans les comportements ? selon quelles motivations, à quels coûts, etc.). Deux modes de passation sont envisagés (pour un panel de 120 personnes minimum) : l’un en direct lors d’un séjour de terrain et l’autre via les forums de voyageurs et groupes privés facebook selon une méthodologie expérimentée avec succès dans le cadre du programme doctoral « travailler aux pays du soleil »
– L’enquête auprès des travailleurs du secteur touristique (N=100) cherchera à caractériser les problématiques de santé locales à partir d’un échantillon de travailleurs intégrant différents types d’emplois dans le secteur touristique (hôtellerie, restauration, activités de loisirs et excursions). Un groupe témoin de travailleurs d’autres secteurs économiques sera constitué (agriculteurs, ouvriers, employés administratifs etc.). La passation sera également mixte : en direct sur place et via des groupes et forums de discussion professionnels selon une méthodologie là aussi déjà éprouvée.
– L’enquête auprès des décideurs et acteurs gestionnaires (propriétaires, gérants) cherchera à estimer les évolutions possibles selon des scénarii élaborés à partir des résultats des deux premières enquêtes. Ce travail se fondera sur une trentaine d’entretiens en passation directe en vis-à-vis ou en visio- communication (N=30).

Résultats attendus
Sur le plan scientifique :
– Identification de facteurs de vulnérabilité et de facteurs de résilience
– Identification des points et leviers d’action pour y remédier
– Publications dans des revues spécialisées en santé (ex. Health and Place) et en tourisme (ex. Annals of Tourism Research), ainsi que sur l’aire géographique étudiée (Etudes Caribéennes), participation à des évènements (congrès IMGS 2024, Nuit Européenne des Chercheurs, …)
– Préparation d’une demande de financement européen (en lien avec Cap Europe).
– Contribution à la structuration de la recherche en tourisme et santé (ce post doc s’articule avec le projet 2RDT (« Risque et Résilience dans les Destinations Touristiques ») financé par le GIS Etudes Touristiques et en prolongation de deux autres programmes : l’un financé par le dispositif MIRE : « Enjeux du Tourisme dans la Caraïbe Contemporaine » (ET2C) et l’autre intitulé « Développement local et conservation : une analyse des enjeux des politiques de lutte contre la pauvreté par le tourisme alternatif, dans l’Etat du Yucatan, Mexique », financé au titre du programme ECOS-Nord et portant sur un autre espace caribéen.
– Développement de partenariats avec l’université des Antilles et l’université de Breda aux Pays-Bas
Sur le plan pédagogique, les données collectées lors de ce post doc pourront être remobilisées pour un enrichissement de référentiels d’enseignement à l’UA (notamment à l’Esthua mais aussi dans le cadre d’actions interdisciplinaires : cf. projet COFUND « BREATH »)
Sur le plan sociétal, cette demande de post doc s’inscrit dans un projet de valorisation à moyen terme par le développement d’un label « destination et entreprises touristiques favorables à la santé » sur le modèle des éco-labels, des certifications liées au développement durable ou de la responsabilité sociale des
entreprises. Ce travail a déjà été largement engagé dans d’autres destinations par notre équipe de recherche.

Profil recherché
Le ou la candidate sera titulaire d’un doctorat de géographie ou de sciences sociales de la santé avec une expérience de terrains à l’étranger ou en outremer et une maîtrise des outils d’enquête et des techniques d’entretien. Les travaux du ou de la candidate seront en cohérence avec les axes de l’UMR Eso, ceux du site angevin et ceux attendus par la problématique envisagée.

Candidature à adresser à sebastien.fleuret@univ-angers.fr avant le 15 septembre 2023 pour un contrat qui débutera impérativement en décembre 2023.